Traiter efficacement l’infection urinaire, souvent récurrente sans recours systématique et répété aux antibiotiques et prévenir dans le même temps la résistance aux antibiotiques, c’est ce que propose cette équipe de la Newcastle University et d’autres instituts de recherche britanniques. Les chercheurs mettent en avant l’efficacité de l'hippurate de méthénamine comme alternative efficace au traitement antibiotique standard, pour prévenir les infections urinaires récurrentes chez les femmes. L’étude, publiée dans le British Medical Journal (BMJ) appelle, avec cette nouvelle alternative thérapeutique à une prise de décision mieux partagée entre chaque patiente et son médecin.
Plus de la moitié des femmes auront au moins 1 infection des voies urinaires au cours de leur vie, et la récidive (définie comme au moins trois infections répétées par an ou deux infections au cours des 6 mois précédents) survient chez environ un quart des femmes qui ont connu un premier épisode. Les directives actuelles recommandent la prise quotidienne d’antibiotique à faible dose comme traitement préventif (prophylactique) standard pour les infections urinaires récurrentes. Mais un tel traitement favorise la résistance aux antibiotiques, la récidive de l’infection. Il existe donc un besoin conséquent d’alternative à ce traitement standard.
L’équipe britannique propose ici l’utilisation d’un antiseptique, la méthénamine ou urotropine,
un médicament retiré du marché en France en mai 2011,
pour ses effets indésirables.
Principe d’action : l'hippurate de méthénamine stérilise l'urine, stoppant la croissance de certaines bactéries. De précédentes études ont montré son efficacité à prévenir les infections urinaires, mais avec des preuves mitigées. Une revue de la Cochrane Library a également conclu que « l'hippurate de méthénamine peut être efficace dans la prévention d'IU chez les patients ne présentant aucune anormalité rénale, surtout lorsqu'il est administré dans le cadre d'une prophylaxie à court terme ».
Une alternative efficace ? Les chercheurs ont entrepris de tester si l'hippurate de méthénamine constituent, finalement, cette alternative efficace au traitement antibiotique standard pour prévenir les infections urinaires récurrentes chez les femmes. Leur étude a suivi 240 femmes souffrant d'infections urinaires récurrentes et nécessitant un traitement prophylactique. En moyenne, avant inclusion dans l’essai, les participantes avaient connu plus de 6 épisodes d’infections urinaires par an. Celles-ci ont été réparties soit pour recevoir le traitement antibiotique quotidien, soit l'hippurate de méthénamine quotidien pendant 12 mois. Au cours de la période de suivi de 18 mois, les participantes ont été évaluées 3 fois. L’analyse constate que :
- au cours de la période de traitement de 12 mois, le taux d’infections urinaires est de 0,89 épisodes par personne-année dans le groupe « antibiotique » et de 1,38 dans le groupe « méthénamine », soit une différence absolue de 0,49 épisodes par personne-année ;
- cette petite différence entre les 2 groupes est inférieure au seuil prédéfini comme significatif, d'1 épisode d'infection urinaire par an, ce qui suggère que la méthénamine n’est pas significativement moins efficace que les antibiotiques pour la prévention des infections urinaires ;
- la méthénamine implique une réduction de la consommation d'antibiotiques avec des niveaux similaires de satisfaction concernant le traitement par rapport à la prise quotidienne d’antibiotiques, sans augmentation des effets indésirables ;
- d'autres analyses, prenant en compte des facteurs de confusion possibles valident ces résultats.
Peu de données d'innocuité : les chercheurs précisent tout de même que les données d'innocuité à long terme de l'hippurate de méthénamine sont rares. Ils notent également que 4 participantes du groupe hippurate de méthénamine ont été admises à l'hôpital en raison d'une infection urinaire, et 6 du même groupe, ont signalé une fièvre lors d'un épisode d'infection urinaire.
Cependant, l’essai est bien conçu avec une bonne représentativité de l’éventail de femmes atteintes d'infections urinaires récurrentes. Les chercheurs britanniques suggèrent ainsi que leurs résultats « pourraient soutenir un changement de pratique pour la prophylaxie des infections urinaires récurrentes et, dans le même temps participer à la lutte contre l’antibiorésistance ».
Les décisions sur le traitement préventif des infections récurrentes des voies urinaires doivent faire l’objet d’une prise de décision partagée entre chaque patiente et son médecin, concluent les auteurs.
Source: The BMJ 9 March, 2022 DOI: 10.1136/bmj-2021-068229 Alternative to prophylactic antibiotics for the treatment of recurrent urinary tract infections in women: multicentre, open label, randomised, non-inferiority trial
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